« LA THÉORIE DE LA FICTION PANIER »
« Je n’ai jamais pensé que j’avais, ou même que je voulais une part de tout ça, tant que l’on expliquait l’origine et le développement de la culture à travers l’invention et l’usage d’objets longs et durs, destinés à pénétrer, frapper et tuer.
(…)
Allez-y, dis-je, tandis que je m’aventurai à travers l’avoine sauvage, avec Oo Oo en écharpe et la petite Oom dans le panier sur mon dos. Continuez à raconter comment le mammouth est tombé sur Boob, comment Cain est tombé sur Abel, comment la bombe est tombée sur Nagasaki, comment la gelée ardente est tombée sur les villageois, comment les missiles vont tomber sur l’Empire du Mal et toutes les autres étapes de l’Ascension de l’Homme.
Si c’est faire quelque chose d’humain que de mettre une chose que vous voulez dans un sac, parce que cette chose est utile, comestible ou belle, de la placer dans un panier, dans de l’écorce ou dans une feuille enroulée, dans un filet tissé avec vos propres cheveux, ou dans tout ce que vous voulez, et ensuite de ramener à la maison cette chose-là, dans une maison qui n’est qu’une autre sorte de grande poche ou de grand sac, un contenant pour les gens, et que plus tard vous ressortez cette chose pour la manger, la partager, la conserver pour l’hiver dans un récipient plus solide, la mettre dans le sac-médecine, sur l’autel ou dans le musée, à l’endroit vénéré, dans l’espace qui contient ce qui est sacré, et que le lendemain vous faites plus ou moins la même chose – si faire cela est humain, si c’est cela qu’il en coûte, alors je suis un être humain après tout. Pleinement, librement, joyeusement, pour la première fois. »
URSULA LE GUIN